“Gourou”, quand le théâtre dépeint la société avec humour

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler de convictions, de libre-arbitre, d’amour, de rassemblement, de dérives, et surtout d’une pièce à tendance immersive aussi surprenante que captivante. C’est ce que j’ai pu ressentir lors de ma découverte de la pièce “Gourou”, écrite par François Aubagnac et mise en scène par Suzanne Gardeux, dans le théâtre convivial Le Mélo d’Amélie.

Mathias apprend qu'il est l'unique héritier d'une mystérieuse secte américaine, l'Église Véritaniste. 100 millions de dollars l'attendent, à une condition : faire renaître la secte de ses cendres et réunir au moins 5000 fidèles en moins de 6 mois. La solution ? Devenir Gourou...

Matthias se fait quitter par Zoé et vient se réfugier chez Pierre, le frère de cette dernière. A un moment, un homme mystérieux frappe à leur porte, et leur indique que Matthias est le seul héritier d’un mouvement religieux qui s’est éteint. Une fortune inattendue lui tend les bras, mais en échange, il doit recréer le mouvement en rassemblant 5000 nouveaux fidèles…

En partant de rien et avec l’objectif du magot à la clef, les deux hommes décident de créer un mouvement un peu loufoque basé sur la vérité et l’amour : le Véritanisme. A la suite du célèbre plateau TV “Salut les Humains”, le nombre de fidèles augmente… de quoi flatter l’égo de Matthias, qui se prend au jeu, jusqu’à devenir une sorte de maître spirituel pour ces nouveaux membres. Il devient ainsi un Gourou. L’engrenage prend forme…

Sur Facebook, les gens gobent tout, surtout si on leur dit qu’on leur cache la vérité […] Si on arrive à les convaincre que l’église véritaniste les soutient, on les aura les 5000 fidèles, facile !

Gourou

Le mouvement se fonde ainsi sur des thèmes qui touchent un grand nombre d’individus : jouer sur l’émotionnel et la corde sensible est une technique de manipulation souvent utilisée pour convaincre et attirer de nouveaux adeptes, particulièrement les plus vulnérables.

“Je vous aime” résonne tel est le mantra de ce mouvement. Quoi de plus fédérateur qu’un message d’amour ? Une histoire qui interroge, et amène à réfléchir aux communications basées sur l’émotion, touchant à nos valeurs, à notre libre-arbitre, à notre besoin d’appartenance à une communauté, à notre quête de vérité dans la pluralité d’informations dont nous sommes inondés en permanence.

Avec un décor discret et adaptable selon la scène et la situation, permettant de se concentrer sur le jeu et les personnages, je me suis laissée entraînée par la mise en scène fluide et chorégraphiée, incluant également les spectateurs en immersion dans l’aventure de Matthias. Nous sommes cordialement accueillis dans la salle afin de découvrir “le secret” de ce mouvement naissant.

Beaucoup de gens se posent des questions, à nous de leur offrir les réponses qu’ils veulent entendre.

Gourou

Avec “Gourou”, la pièce dépeint avec humour notre société actuelle, telle une satire des mouvements sectaires et de leurs diverses manipulations qui peuvent brouiller la vue. Une pièce dans l’air du temps dont le sujet ne va pas sans nous rappeler certaines théories plus ou moins fondées et/ou absurdes qui fusent sur les réseaux sociaux notamment. La création de ce mouvement pourra même aller jusqu’à l’extrême, dans les dérives d’un endoctrinement poussé par l’égo, et abordant la dimension psychologique des adeptes guidés par une croyance et un maître, jusqu’à en délaisser leur vie et leurs proches.

Cette joyeuse troupe de comédiens m'a fait vivre une multitude d’émotions : j’ai été surprise, j’ai ri, j’ai été touchée et émue, parfois bousculée, et je me suis interrogée. Voici une pièce riche, abordant les notions d’humain, de communauté, de croyances. Une pièce atypique qui intrigue et ne laisse pas indifférent, et qui m’a fait passer un nouveau moment suspendu au théâtre.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.