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“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique

“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique
Chers Théâtreux,
 
Dans cette nouvelle lettre, Lauriane me fait l’honneur de me laisser vous parler de politique au sens noble du terme, mais aussi d’humain, de courage et de doutes… Aujourd’hui, nous parlons de l’épique pièce “Danton, les derniers jours du lion”, écrite par Etienne Menard, mise en scène par Pierre Boucard, proposée par la Compagnie The Big Cat Company.
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Préambule et conseil en forme de clin d’oeil à l’auteur - avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger après la pièce - sur le film “La Révolution Française”, écrit à l’occasion du bicentenaire de la Révolution en 1989 : tout en lisant cette chronique, ou avant, ou après… bref, je vous recommande d’écouter cet extrait merveilleux de la BO du film !
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Après quelques mois de retrait du jeu politique, en plein cœur de la Révolution, Danton revient à Paris. Entouré de Desmoulins et ses amis, il veut infléchir la politique de terreur menée par Robespierre et le comité de salut public. Mais les amitiés et les alliances d'hier ont changé, les enjeux aussi...

Disons-le d’emblée : cette pièce est autant une pièce sur la politique, au sens noble du terme, que sur les humains qui la font, et est finalement une pièce humaniste autant qu’une pièce révolutionnaire.
 
D’où viennent les passions politiques ? Viennent-elles d’idées désincarnées, ou de passions humaines bien concrètes ?
 
Très concrètement, toute personne qui a observé, voire vécu les passions politiques, au sens noble du terme, le sait : la politique est autant une affaire d’humains qu’une affaire de convictions et d’idéaux. Derrière la politique, il y a toujours l’humain, dans ses passions, ses peurs, et son intimité. Et parfois, les faits politiques sont justement la résultante de ces passions bien humaines. Et parfois, ce qui sera débattu dans les grandes heures de l’Histoire l’a été auparavant dans l’intimité, en famille ou entre amis.
 
C’est le point de départ de cette pièce : il s’agit moins de parler des grands événements, que de comment les humains qui les ont créé étaient, dans l’intimité, et comment l’intime peut influer sur la politique. Comme le dit l’auteur, dans la pièce, « Ce ne sont plus Danton, Robespierre, Desmoulins mais Georges, Maximilien ou Camille. »
C’est donc à une vision de l’Histoire très humaine, plus que solennelle, que nous assistons, et elle est aussi passionnante à suivre du point de vue historique que du point de vue littéraire.
 
La pièce joue sur trois registres : 1- Ce qui se passe en public, avec les grandes répliques des débats à l’assemblée ou dans les journaux, que nous ont rapporté les manuels d’Histoire ; 2- Comment se fait la politique en coulisses, avec ses luttes de pouvoir féroce et dissimulées, et ses buts secrets ; 3- Et l’intimité des hommes politiques et de leur famille, ce qu’il y a au fond de leur cœur, et comment cette dimension influe aussi sur les deux précédentes.
On navigue en permanence d’un registre à un autre ; et comme la caractérisation des personnages est remarquablement efficace et percutante, c’est justement cette caractérisation des Hommes qui permet de caractériser aussi bien les événements historiques que ces Hommes créent ensuite.
 
Pourtant, les personnages ne sont pas des rocs inflexibles. Ils ont des doutes, des inquiétudes et des angoisses. Si, en public, ils sont sûrs d’eux et inflexibles, c’est que dans les coulisses et l’intimité, leurs doutes se manifestent et s’expriment.
Mais ce sont aussi des facteurs purement humains qui influencent leurs décisions. Sans dévoiler d’éléments de l’intrigue, la façon dont certains grands personnages publics se laissent influencer dans leurs décisions par les conséquences que celles-ci auront sur leurs amis est belle et noble. Et la façon dont les convictions et les idéaux se forment est étroitement liée à leur histoire personnelle.
 
On atteint l’intensité de grands films comme “Le Souper”, ou “Les Marches du Pouvoir”, qui évoquaient des thèmes analogues, mais ici traités avec une optique parfaitement différente, qui enrichit là notre vision de l’Histoire et de la politique.
 
La pièce met aussi en valeur le rôle des épouses des ces grands hommes qui ont créé la Révolution Française, et qui illustrent les sacrifices des familles de celles et ceux qui font l’Histoire.
Talleyrand (c’est de circonstance !) disait que « Derrière chaque grand homme il y a une femme ». C’est peut-être vrai, et la pièce montre bien que celles et ceux qui créent l’Histoire ont parfois eu la chance de compter sur une famille qui les a soutenu, ou d’être poussés en avant par leur entourage au sens large. Mais la pièce le montre : lorsque l’Histoire se crée, elle se répercute autant sur celles et ceux qui l’ont créée, que sur leur famille…
Dans la pièce, ces épouses aussi courageuses que leurs époux sont aussi les victimes des passions politiques : par vengeance ; parce que l’Histoire ne fait pas dans le détail ; parce que les morts qui ont fait leur devoir laissent derrière eux une famille ; ou tout simplement parce que si celles et ceux qui font l’Histoire encaissent de nombreux coups, la douleur s’en ressent aussi pour leurs proches…
 
Parfois, les passions vont jusqu’à la folie ; et la pièce évite l’écueil du manichéisme, en montrant des personnages qui ne sont parfois ni bons, ni méchants…
 
Comme le dit l’auteur sur cette période incroyable, « Tout, dans la Révolution, peut être source d’inspiration pour le théâtre : le contexte, l'événement, son impact sur l’Histoire et sur le monde, les personnages et leur destin, la dramaturgie… » 
“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique
“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique
“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique
“Danton, les derniers jours du lion”, ou comment le théâtre révèle l’humain derrière la politique
La mise en scène crée un rythme qui, au-delà de son énergie, donne à la pièce une tension et un suspense incroyable, puis un caractère épique digne de son sujet ; et elles sont accentuées par la sobriété des décors, qui permet au public de se s’approprier par la suggestion et un certain sens du symbolisme.
Le réalisme de la pièce, qui semble une règle au début, cède parfois fort opportunément la place à quelques symboles qui apparaissent au bon moment pour amplifier le rythme…
Sans dévoiler d’autres éléments de l’intrigue que ce qui appartient déjà aux grands moments de l’Histoire, le moment du procès contient la même intensité épique que le passage correspondant dans le film “La Révolution Française(…cela veut dire TRÈS épique ;) !).
 
Les acteurs sont à la hauteur du défi, et on revit l’intensité de ces moments tragiques de l’Histoire, lorsque ces grands hommes qui ont marché ensemble se prennent à la gorge :
 
A travers Etienne Menard, Danton est sur scène, avec sa gouaille, son charisme et son audace, mais aussi son côté bon-vivant, truculent. Et derrière ces aspects de lui qui ont marqué l’Histoire, arrivent ses doutes, sa sensibilité, que le public peut alors s’approprier, mais aussi les sacrifices.
 
Yves-Pol Denielou est admirable en Robespierre « l’incorruptible ». Inflexible, mais aussi rigide, tourmenté par son goût forcené pour la probité et la pureté des principes, à la fois froid et passionné par son combat. Mais derrière son fanatisme apparaissent une fois encore les doutes, et l’amitié sincère, mais aussi comment son œuvre le dépasse et le dévore, et comment il l’accompagne dans sa course effrénée dans une certaine solitude…
 
Les affrontements révèlent alors l’opposition entre le côté fédérateur de Danton, et le fanatisme de Robespierre, qui l’amène à détruire pour mieux reconstruire.
 
La complicité entre Danton et Desmoulins, joué avec par Samuel Giuranna est palpable, et le duo qu’il forme sur scène avec Etienne Menard montre bien comment l’amitié entre Desmoulins et Danton en faisait un duo idéal qui se complétait parfaitement.
Chose amusante, qui passe parfaitement bien sur scène, et donne un caractère plus fluide à la pièce : alors que Camille Desmoulins, timide et bègue, est peu à l’aise à l’oral, le jeu brillant de Samuel Giuranna, met plus en valeur la force de caractère et la détermination exceptionnelles de son personnage.
 
Barbara Castin et Maxime-Lior Windisch ont une interprétation pleine de nuances des plus talentueuses. Elles naviguent avec brio entre inquiétude, force d’âme, joie de vivre, empathie, etc... La mort est tout autour, et elles trouvent pourtant la force de rester debout, de soutenir leur mari, de se battre elles-mêmes, et de rêver à un monde meilleur.
 
Quant à Pierre Boucard, il s’en donne à cœur-joie, passant d’un rôle à l’autre sans que l’on voit à un quelconque moment l’acteur derrière ces multiples personnages. L’énergie et la qualité de son jeu nous embarquent tout de suite, et donnent à tous ses personnages une authenticité fascinante qui est le pivot & contrepoint changeant des enjeux différents de chaque scène.
 
J’aimerais tellement vous en dire plus, sur cette pièce exceptionnelle, mais je suis déjà trop bavard, et il serait préférable que vous alliez la voir vous-même.
 
Je me permets juste de donner le mot de la fin à Victor Hugo, par une citation de l'oeuvre "Les Misérables" qu’Etienne Menard reprend au début de son œuvre : « Pour que la Révolution soit, il ne suffit pas que Montesquieu la présente, que Diderot la prêche, que Beaumarchais l’annonce, que Condorcet la calcule, qu’Arouet la prépare, que Rousseau la prémédite ; il faut que Danton l’ose. »
 
Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale. 
✨✨✨✨✨
L'Equipe Artistique :
Auteur : Etienne Menard
Mise en scène : Pierre Boucard
Costumes : V. De Merteuil
Scénographie : V. Graveline
Création lumière : A. De Carvalho
Création son : M. Rannou
 
Interprètes : 
Etienne Menard, dans le rôle de Danton
Barbara Castin, dans le rôle de Lucile Desmoulins
Yves-Pol Denielou, dans le rôle de Robespierre
Sam Giuranna, dans le rôle de Camille Desmoulins
Maxime-Lior Windisch, dane le rôle de Louise Danton
Pierre Boucard, dans les rôles de Hebert / Saint-Just / Fouquier-Tinville
✨✨✨✨✨
 
A l'attention des programmateurs : pour découvrir ce spectacle et l’amener dans votre ville et/ou lieu de spectacle, je vous invite à prendre contact avec : la compagnie The Big Cat Company - thebigcatcompany@gmail.com et thebigcatcompany@tutanota.com.
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À propos
Lauriane Cronier

Lauriane, théâtreuse passionnée, met en lumière le monde du spectacle, pour ajouter plus de théâtre à la vie et plus de vie au théâtre.
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