Chers Théâtreux,
Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler de relation fraternelle, de l’enfance, de la parentalité, des liens familiaux, et surtout d’une pièce nécessaire au texte impactant qui bouleverse autant qu’elle nous attendrit ou nous fait rire. C’est un peu ce que j’ai pu ressentir au
Festival OFF d’Avignon quand je suis allée découvrir le spectacle “
Deux Frères”, écrit par
Renaud Merviel, et interprété par
Renaud Merviel et
Julien Goetz.
La pièce commence en nous présentant Renaud et André, deux frères à l’âge adulte, qui choisissent de nous raconter leur histoire, leur enfance, leurs rêves, ce qui les rend heureux et aussi l'événement violent qui a contribué à renforcer leur lien fraternel : ce sont deux enfants vivant sous le même toit et qui pourtant ne sont pas considérés de la même manière. Renaud, l’aîné, est victime de maltraitance par son père. Il ne comprend pas pourquoi son père s’acharne sur lui... Pourquoi lui ?
“Deux Frères” est une mise en avant d’un sujet encore tristement d’actualité : la violence faite aux enfants, et le traumatisme laissé à l’âge adulte. Il y a notamment la violence physique mais aussi la violence psychique. Ou comment les violences faites pendant l’enfance peuvent impacter l’état mental et psychologique de l’adulte, avec une sorte de déformation de l’interprétation des faits : l’incompréhension d’un enfant qui peut croire que c’est de sa faute, une culpabilisation à être soi, un manque de confiance en soi, une culpabilité à ne pas correspondre au modèle parental.
J’ai vécu des montagnes russes émotionnelles pendant la représentation : on retrouve effectivement la violence et la dureté de ce sujet de fond, et aussi des moments plus légers, drôles et tendres, notamment par la force de la complicité fraternelle. Le sujet est ainsi amené avec beaucoup de délicatesse et de sensibilité.
J’ai également particulièrement apprécié les moments musicaux au piano, correspondant à des moments de joie et de poésie dans le récit des deux frères. L’humour et la musique contrebalancent en quelques sortes la dureté de la maltraitance - montrée ici dans la pénombre, un peu comme pour montrer la noirceur de la figure paternelle.
“Deux Frères” est une proposition artistique audacieuse qui, à mon sens, a toute sa place dans un objectif de sensibilisation et d’invitation à la communication sur les violences vécues. Un spectacle effectivement nécessaire, à la fois tendre, drôle et touchant, dont on ne ressort pas indifférent (et même plutôt sonné quelques instants), et bien évidemment une nouvelle occasion de vivre un moment suspendu au théâtre.
Ce spectacle a notamment été ma première découverte de cette édition 2023 et on peut dire que j’ai pris une jolie claque. A découvrir, à faire découvrir, et à ramener sans hésitation dans vos théâtres locaux.
Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.