“Femmes en Colère”, quand le théâtre interroge sur la justice et l’humain

19 Mars 2023

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler de justice, d’un procès, d’égalité entre femmes et hommes, du mouvement #MeToo, et surtout d’une pièce engagée qui captive, interroge et dénonce. C’est un peu ce que j’ai pu ressentir au Théâtre La Pépinière quand je suis allée découvrir le spectacle “Femmes en Colère”, adapté du roman de Mathieu Menegaux par Pierre-Alain Leleu, et mis en scène par Stéphane Hillel.

Continuez à bafouer le droit, laissez l'opinion juger à l'emporte-pièce, et vous récolterez à coup sûr le chaos et la dictature.

Le président de la cour d'assise

Dans la ville de Rennes, une femme, Mathilde Collignon, mère de deux enfants, est jugée pour “acte de barbarie”. La pièce commence par les derniers mots de l’accusée, à la fin du procès, avant la délibération des jurés.

On nous rappelle la constitution d’une cour : le président, ses deux assesseurs, et six jurés issus de la citoyenneté, ayant été désignés par courrier officiel pour être jurés durant le procès. On découvre le portrait et les motivations de chacun des jurés, chacun plutôt flatté d’avoir été choisi, et leurs attente d’une telle responsabilité (souvent biaisée par les fictions diverses).

L’accusée s’explique : elle revendique et “avoue” aimer le sexe. C’est humain. Un soir, elle a eu envie de sexe. Elle dialogue alors sur une application dédiée et part à la rencontre de l’homme derrière le téléphone. Mauvaise surprise à l’arrivée : elle s’est faite agressée. Pour se défendre, n’ayant pas confiance en la justice française, elle décide de faire justice elle-même envers ses deux agresseurs…

Sur scène, une table autour de laquelle sont installés le Président de la cour, ses deux assesseurs et les jurés. L’accusée est sur le devant de la scène, à part, dans l’attente d’un verdict. La pièce alterne ainsi entre la délibération des jurés (et leurs opinions) et les moments d’apartés de l’accusée, chacun racontant sa vision des faits, ses ressentis, ses émotions, et les raisons de leur point de vue. Mathilde, quant à elle, est confrontée à ses peurs, ses doutes, ses choix et son libre arbitre en tant qu’être humain.

Crédits Photos : François Fonty

Qui de l’accusée ou des deux plaignants sont ici les véritables victimes ? Etre justiciers ou bien être justes ? La délibération devra se faire entre punition et pardon. Entre préjugés, désir de justice et exercices de tolérance, les opinions sont tranchées parmi les jurés, en fonction de leur histoire personnelle, de leur milieu social, de leurs croyances.

A l’heure du mouvement #MeToo, voici une proposition artistique au fond engagé qui veut placer la femme à l’égale de l’homme, en nous proposant une réflexion intéressante sur l’absurdité de nos jugements face à nos préjugés ancrés par la société et les “bonnes mœurs”.

En plus des questionnements amenés par le procès de Mathilde, “Femmes en Colère”, c’est un peu l’histoire de toutes ses femmes violentées qui ne croient plus en la justice et qui décident de faire justice elles-mêmes, avec les moyens à leur disposition en libérant la parole et en faisant entendre leur voix, tantôt par des manifestations, ou encore par des actes de colère face à la douleur de l’injustice.

Voici une histoire qui vous tiendra en haleine du début à la fin, où les notions d’égalité, de justice, d’éthique, ainsi que la diversité des émotions humaines sont mises sur le devant de la scène. Un nouveau moment suspendu au théâtre qui nous apprend beaucoup sur la réalité de notre société ainsi que notre capacité à juger.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.