“Les Forains”, quand le théâtre met en avant la différence et les liens humains

7 Mars 2023

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler de liens sociaux et humains, de marginalité, de préjugés, de notre rapport à la différence, de trains qui passent, de l’accent ch'ti et de la région des Hauts-de-France, et surtout d’une pièce à la fois drôle, engagée et poétique. C’est ce que j’ai pu ressentir lorsque je suis allée au Théâtre La Flèche pour découvrir la pièce “Les Forains”, écrite par Stephan Wojtowicz, adaptée et mise en scène par Lorraine Résillot - de la Compagnie Les Divergents.

En attendant une hypothétique pièce de rechange pour réparer leur camion en panne, trois forains passent le temps dans leur caravane entre une décharge et une voie ferrée. Eddie compte les wagons des trains qui passent, Nono rêve de ses manèges, Jackie fait vivre cet étrange trio. Un soir d’été, un train s’arrête face à leur campement. Hélène et Olivier en descendent. Le train redémarre sans eux. Loin de tout, en pleine nuit, ils sont contraints de se faire héberger par les forains…

La pièce s’ouvre sur Jackie, en train de préparer le dîner pour Eddie - son mari, et celui qu’ils appellent Nono - le “frère” de ce dernier. Dès les premières minutes, on comprend que la scène se tient dans le nord de la France, dans un endroit reculé, à proximité d’une ligne de chemin de fer, et à plusieurs kilomètres de la ville la plus proche (un temps de trajet qui varie en fonction de notre état d’ébriété).

Très vite, on découvre qu’ils sont fascinés par les trains, particulièrement Eddie, qui compte le nombre de wagons dès qu’il en voit. Soudain, un train s’arrête, et deux personnes en descendent avant que le train ne reprenne son chemin… C’est le début d’une rencontre plutôt improbable : la rencontre de Jackie, Eddie et Nono, avec Hélène et Olivier - les deux passagers du train.

Voici une pièce qui nous propose un doux regard sur la différence et sur l’acceptation de l’autre tel qu’il souhaite être. Chacun des personnages m’a touchée à un moment ou à un autre, que ce soit le plus rustre Eddie (qui est aussi capable d’une véritable délicatesse) ou même le personnage d’Olivier (celui qui avait tendance à être le plus antipathique dans son comportement).

Face à une situation de contrainte - pour certains de devoir trouver refuge chez des forains, et pour d’autres de devoir accueillir deux inconnus dans leur intimité - on découvre les émotions et l’authenticité de chacun, avec ses forces et ses failles, les rendant complexes et vrais.

Afin de rendre cette histoire plus immersive, le plateau est ainsi transformé en lieu de campement face à la ligne de chemin de fer - où nous prenons place en tant que spectateurs. Toute la pièce prend place dans ce campement, sous la protection d’un chien (d’une chienne, pardon) aux mises en garde efficaces.

Faut jamais descendre du train. Ceux qui descendent, ils remontent jamais.

“Le Forains”, c’est une pièce aux répliques percutantes et drôles, mettant en avant - grâce à la magie du théâtre - une minorité qui n’a pas souvent la parole, face à des individus plus aisés et pour qui la vie est plus facile. Une rencontre pas si simple, ainsi qu’une belle occasion pour prendre du recul sur notre mode de vie.

Voici une pièce profondément humaine, au texte juste et riche et avec ce qu’il faut d’humour que je ne peux que vous recommander pour un nouveau moment suspendu au théâtre. Une proposition artistique qui m’a également donné envie de découvrir le texte dans son intégralité.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.

Crédits Photos : Marie Charbonnier