“Pourquoi les gens qui sèment”, quand le théâtre rassemble et éveille les consciences

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler d’un couple, du mythe d’Antigone, de conflits de valeurs, de dissonance, de dilemme, d’engagement citoyen, d’engagement pour l’Etat, d’écologie, et surtout d’un spectacle captivant et fédérateur qui fait réfléchir et ne laisse pas indifférent. C’est ce que j’ai pu ressentir quand je me suis rendue au Festival OFF d’Avignon pour y découvrir la pièce “Pourquoi les gens qui sèment”, écrite et mise en scène par Sébastien Bizeau, et proposée par la Compagnie Hors du Temps.

Chloé et Antoine s’aiment malgré leurs désaccords. Elle, militante écologiste, appelle à la désobéissance civile ; lui, devenu préfet, est chargé de maintenir l’ordre. Tout se complique lorsque Chloé projette une action sur la zone même qu’Antoine doit défendre. Aucun des deux ne veut renoncer, convaincu que la justice est de son côté. Mais comment tenir ensemble quand les règles ne font plus consensus ? Les réunions publiques, plateaux média et tribunaux deviennent l’arène du combat porté par cette Antigone d’aujourd’hui. Face à eux, ce ne sont plus des spectateurs mais des citoyens qui s’interrogent.

C’est l’histoire de Chloé et Antoine, en parallèle d'événements citoyens, écologiques et politiques. Chloé est militante écologiste, convaincue que la désobéissance civile est devenue un devoir moral face à l'urgence climatique, quand les moyens légaux ne suffisent pas. Antoine est devenu préfet et incarne l’Etat, ses lois et sa mission de maintien de l’ordre. Tous deux se sont rencontrés grâce au théâtre et à la musique.

Cependant, il survient une action de terrain que Chloé projette d’organiser… que la zone qu’Antoine doit défendre. La pièce met alors en tension ces deux figures de l’engagement dans une sorte de “duel” : ici, ce n’est pas seulement un conflit de valeurs mais un déchirement qui touche à l’intime, entre conviction et attachement, devoir public et fidélité privée.

Le choix est cornélien. Le dilemme s’installe dans le couple aux combats différents : peuvent-ils s’aimer durablement quand tout les oppose politiquement ? Jusqu’où Chloé est-elle prête à aller pour défendre ce qu’elle estime juste ? Antoine devra-t-il renoncer à l’Etat pour rester fidèle à l’amour ? Leur amour survivra-t-il ?

Pourquoi le citoyen aurait une conscience, s’il doit l’abandonner au législateur ?

Henry David Thoreau

Un jeu et une mise en scène immersive, captivante et entraînante…

Sur scène, des comédiens caméléons au service du propos… Les quatre comédiens livrent une performance d’une grande exigence, dans un jeu rythmé et où le public est également acteur avec eux. Autour des deux rôles principaux de Chloé et Antoine - interprétés par Gwenaëlle Couzigou et Paul Martin, près d’une vingtaine de personnages sont interprétés par Matthieu Le Goaster et Nastassia SIlve.

C'est aussi un spectacle immersif où les spectateurs sont de véritables acteurs… Un pari scénique audacieux qui fait tomber le mur entre public et comédiens. Dès l’entrée en salle, on est pris à partie… non pas de manière brutale mais plutôt subtilement, en nous faisant participer à des moments de la vie publique : réunion militante, élèves d’un cours de théâtre, débat télévisé, émission populaire, conférence de presse, audience au tribunal, etc.

Ce choix donne une force incroyable à la mise en scène : on ne regarde pas simplement une histoire se dérouler, on est témoins directs des événements qui se déroulent sous nos yeux. La salle de spectacle devient alors une agora où le spectateur est davantage impliqué comme un figurant des différentes scènes, ce qui crée un sentiment de communauté.. on y est davantage touchés et concernés par le sujet. Un choix très intéressant que j’ai adoré vivre.

Un texte d'une grande richesse et une histoire écho à des textes classiques...

La pièce “Pourquoi les gens qui sèment” est également une création qui fait écho à la figure d’Antigone - de Jean Anouilh : celle qui, au nom d’un impératif moral, défie la loi. Ici, pas de Créon autoritaire face à une Antigone isolée, mais deux humains réunis dans un couple, tiraillés entre l’intime et le politique. Il n’y a pas d’opposition binaire, chacun agit avec sincérité… et c’est cette sincérité - parfois douloureuse - qui fait la force et la beauté de cette pièce.

Une autre référence y est évoquée : l’histoire fait aussi écho avec la pièce “Titus et Bérénice” - de Corneille… où l’empereur Titus avait dû exiler la reine Bérénice dans le but de calmer le peuple romain qui voyait d’un mauvais œil leur union.

Un spectacle qui invite à l’échange, au débat…

Ce spectacle m’a captivée autant qu’il m’a remuée. Parce qu’il pose des questions intéressantes : qu’est qui est juste ? Qu’est-ce qui est légal ? Peut-on désobéir en conscience ? Peut-on aimer quelqu’un qui ne partage pas notre manière de lutter ? Comment faire quand nos visions de la justice ne sont pas conciliables ?

Le propos de “Pourquoi les gens qui sèment” nous invite alors à quitter la posture de spectateur passif et à penser à notre propre rôle dans la société... A réfléchir ? A débattre ? A prendre parti ? A s’engager peut-être ?

Comment faire société si les lois de la cité ne font pas consensus ?

Sébastien Bizeau

Pourquoi il faut y aller ?

Parce que c’est un spectacle qui parle de l’humain et de sa quête de sens dans notre société actuelle ;

Parce que ce n’est pas un spectacle qui vise à convaincre mais qui pousse à réfléchir ;

Parce que c’est un spectacle qui interroge sur la place de la conscience dans les choix individuels, et appelle à relativiser l’engagement citoyen et le débat démocratique ;

“Pourquoi les gens qui sèment”, c’est une proposition artistique qui s’impose comme un coup de poing doux et nécessaire : elle interroge avec finesse sur notre rapport à l’amour, aux lois, à la morale, et à la démocratie.

C’est un spectacle dont je suis ressortie autant impressionnée par la performance des artistes et par la mise en scène immersive, que concernée par ce dilemme qui pourrait être celui de chacun d’entre nous dans différents domaines… Une pépite qu'il est, à mon sens, nécessaire de voir... Une expérience théâtrale qu'il est nécessaire de vivre.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.

Crédits Photos : Cédric Vasnier

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L'Équipe Artistique :

Spectacle par la Compagnie Hors du temps

Texte et mise en scène par Sébastien Bizeau

Interprété par :

Gwenaëlle Couzigou dans le rôle de Chloé

Paul Martin dans le rôle d’Antoine

Matthieu Le Goaster dans les rôles du maire, du directeur d’école, d'un militant, d'un syndicaliste agricole, d'un député, d'un avocat, d'un professeur de théâtre, d'un directeur de centre culturel, d'un animateur TV

Nastassia Silve dans les rôles d'Inès, d'une militante, d'une ministre, d'une chroniqueuse, d'une présentatrice radio, d'une présidente de fondation, d'une juge, d'une responsable de la communication, d'une intervieweuse

Et avec la participation de Clément Pellerin et Margaux Wicart

Création Lumières par Thomas Nimsgern

Décors par Raphaël Guinamard

Costumes par Claire Bigot

Création Sonore par Iris Lainé

Création Vidéo par Pierre Monchy

Illustration par Pénélope Belzeaux

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A l'attention des programmateurs, pour découvrir ce spectacle et l’amener dans votre ville et/ou lieu de spectacle, je vous invite à prendre contact avec : Sara MARCIREAU - sara.marcireau@gmail.com & Matthieu LE GOASTER - communication.horsdutemps@gmail.com