“Les 4 Mousquetaires, l’épopée pop”, ou comment le théâtre réinvente les classiques avec humour

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler de souffle épique et de panache, d’humour, mais aussi de recettes pour réinventer un récit tout en lui restant fidèle, et de questionner le passé sans lui tourner le dos. C’est ce que j’ai pu ressentir quand je me suis rendu au Festival OFF d’Avignon pour y découvrir “Les 4 Mousquetaires, l’épopée pop”, une création collective de la Compagnie La Douce.

Cette adaptation musicale du best-seller d’Alexandre Dumas nous plonge dans un show délirant où l'esprit des Monty Python rencontre l'univers des années 80. Ici pas d’épée ni de chapeau à plumes, mais une bande de « sales gosses » portant haut l’étendard de la pop culture, pour mieux dynamiter par le rire le roman d’aventure.
Bienvenue dans le télescopage des époques: les Power Rangers au service du roi de France, le cardinal de Richelieu sous la moustache de Freddie Mercury ou Milady de Winter en pop star à paillettes !
Venez vibrer à l’unisson de la célèbre devise remastérisée : “Un.e pour tous.tes, tous.tes pour un.e!”

Doit-on nécessairement être fidèle en la forme pour faire une bonne adaptation des Trois Mousquetaires ?

Si un récit est né à une époque différente (et forcément mieux, car “c’était mieux avant”), peut-on adapter intelligemment cette épopée classique avec les codes d’une autre époque, dès lors que l’essence de cette épopée est respectée ?

Les Trois Mousquetaires, est-ce d’abord des duels à la rapière et des chapeaux à plume, ou avant tout les valeurs héroïques, les valeurs du collectif et l’amitié et l’amour ?

Dans la parodie et le pastiche, l’humour ou la prise de recul sont-ils un manque de respect ?

En mettant en scène “Les 4 Mousquetaires, l’épopée pop”, la Compagnie La Douce répond à toutes ces questions hautement existentielles : “Rock’n roll, Baby !“ avant que Freddie Mercury ne vienne jouer un air de guitare !

L’auteur de ces lignes tient à préciser qu’il est un grand fan des “Trois Mousquetaires”, ainsi que des suites moins connues (“Vingt ans après” et “Le Vicomte de Bragelonne”) ; et tout dans ce spectacle montre un même respect pour le roman, pour ne pas dire un même amour de la part de la Compagnie La Douce !

Ne cherchez pas ici les combats à l’épée, à la rapière et au fleuret, ni les casaques de mousquetaire rutilantes, mais vous trouverez l’essentiel de l’oeuvre d’Alexandre Dumas, et plus encore : le souffle épique de ces aventures, la force d’une histoire d’amour et d’amitié fortes, de belles valeurs d’honneur, de courage, de sens du collectif, etc., mais aussi cet humour plein d’auto-dérision d’Alexandre Dumas.

Dans cette adaptation à bride abattue, pensée à travers une mise en scène collégiale, où chacun des comédiens a pu apporter sa pierre à l’édifice, la Compagnie La Douce s’amuse à transposer l’histoire de nos mousquetaires favoris dans l’univers des séries TV & animées de la pop-culture des années 80’s ; et nous le résume avec humour à travers un résumé de 67 chapitres en une bonne heure…

Elle fait également le choix de laisser de côté la mise en scène classique : les comédiens vont nous résumer le récit de cette aventure, chacun à sa façon et avec son point de vue - a priori différents et opposés, mais in fine complémentaire les uns par rapport aux autres ; et, comme dans un spectacle d’impro théâtrale où un numéro de conteur, où chaque comédien re-créé une action, un décor ou un récit en quelques gestes ou quelques mots, l’imagination du spectateur faisant le reste ; tout ceci dans un joyeux désordre plein de bonne humeur, dans lequel “chacun se saisit des personnages en dépit du genre”.

Ainsi, autour de chaque étape du récit, se succèdent les discussions et les remarques sur l’univers de Dumas, les critiques et les hommages, et des rires retrouvés dans le même état d'esprit qu’Alexandre Dumas. avait donné à son œuvre originale.

Et, pour achever de brouiller nos repères en nous proposant une nouvelle version, ici, les aventures de nos mousquetaires favoris sont transposées dans l’univers des séries animées et TV des années 80 avec humour : les mousquetaires portent les fameuses coupes-mulet ;

mais aussi des combinaisons multicolores qui tiennent autant du bleu de travail (et ce n’est pas choisi pour rien…) que de la combinaison à la Top Gun ou de pilote de F1 ;

les combats à l’épée sont remplacés par des combats de karaté, dans le plus pur style “Karate Kid” ;

les poses iconiques de Freddie Mercury, Madonna, et de Top Gun viennent redonner une nouvelle vie à l’univers visuel du Cardinal de Richelieu, etc.

…et les références à l’Inspecteur Gadget, aux Power Rangers, ou au Rubik’s Cube viennent agrémenter ce spectacle “pour que chacun puisse s’y reconnaître”, comme le disent les auteurs !

Mais, mais, mais… références 80’s au lieu du Grand Siècle ? Kung-Fu au lieu du fleuret ? Synthétiseur au lieu de clavecin ? Devons-nous en conclure que les codes ne sont pas respectés ?

Non, assurément : non ! Au contraire, la troupe se concentre justement plus sur l'essence du roman…

A titre comparatif, en 1996 notamment, le grand Baz Luhrmann nous livrait dans un grand film (expression que je n’emploie pas à la légère) une version de “Romeo + Juliette” revisitée à la sauce Miami Beach, où des pistolets remplacent les rapières, les chemises à la Scarface en lieu et place des tenues d’époque, et la mythique scène du balcon se déroule dans une piscine. Pourtant, qui pourrait sérieusement dire cette scène a perdu en tension amoureuse et en beauté littéraire ? Ou encore que l’adaptation moderne aurait perdu en tension tragique ?

Aussi, la fidélité à l'œuvre originale ne dépend pas de la forme, mais de ce qui fait l’essence du récit !

Crédits Photos : Julien Papillard

En s’amusant comme des petits fous à transposer l’histoire de nos mousquetaires favoris du Paris de Louis XIII, à l’univers des séries TV & animées de la pop-culture des années 80’s , le spectacle perd-il quelque chose du roman de Dumas ?

Non, car il se concentre sur ce qui fait l’essence du roman, Mais cette transposition dans un univers où de nouvelles données et valeurs sont apparues permet en revanche deux choses :

1 : nous l’approprier à travers des codes plus proches de notre époque ;

2 : questionner certains aspects du roman qui correspondent moins aux valeurs de notre époque. Plus précisément, le spectacle en cite notamment deux : la place des femmes, et la place des personnages moins “biens nés” que nos quatre gentilshommes.

Concernant les femmes, s’il paraît (presque) normal aujourd’hui de voir une femme présidente d’un pays ou d’un grand groupe, ou “pacha” d’un porte-avion, ou astronaute, inutile de préciser que l’oeuvre d’Alexandre Dumas est écrite en 1844, donc à une époque où il est impensable de voir des femmes mousquetaires… Et pourtant, même si les femmes dans les Trois Mousquetaires sont des femmes fortes, avec du caractère et du courage, elles n’en restent pas moins cantonnées à des rôles secondaires, bien cadrés, ou au rôle de méchante de Milady de Winter…

(Nota Bene : et le fait que cette méchante, malgré sa cruauté sombre, ait une envergure telle qu’elle est devenue une méchante iconique, tellement iconique que récemment, on a dû confier son rôle à Eva Green pour rester au niveau, cela n’enlève rien à cette réflexion)

Quant aux personnages des valets, l’épopée pop ajoute l’internationale façon rock à son répertoire, et leur permet de nous rappeler que sans les “premiers de corvée”, pas d’histoire !

Après tout, Alexandre Dumas ne leur manquait pas de respect ! Il leur accordait de longues descriptions, des histoires et des personnalités, et même un avenir florissant pour l’un d'entre eux… Mais les adaptations les ont oublié… Alors que la présente adaptation lève (littéralement) le poing en signe de révolte pour se souvenir des oubliés !

Tout ceci ne doit pas nous priver du plaisir de la lecture des aventures de nos mousquetaires favoris. Mais n’est-il pas possible de questionner la façon dont nous écririons aujourd’hui cette belle aventure ?

Crédits Photos : Julien Papillard

Du reste, désacraliser une oeuvre n’est pas et ne doit pas être lui manquer de respect, mais tout simplement se rappeler des raisons pour lesquelles on l’aime tant.

Comme le disent les auteurs, avoir vu ces belles adaptations en séries animées nous a permis d’aborder ensuite le roman sans qu’il nous fasse peur… Pourquoi ne pas rééditer l’expérience ?

"Les 4 Mousquetaires, l'épopée pop" ne manque pas de respect à l’oeuvre de Dumas, mais au contraire, nous montre que les valeurs et les aspects qui nous ont plu ne dépendent pas d’une forme précise et classique, dans une oeuvre figée et élitiste, mais bien du respect de l’esprit du roman ; comme le disent les juristes à propos de l’application pragmatique d’un texte de loi : respecter l’esprit du texte plutôt que de respecter la lettre du texte à tout prix…

Alexandre Dumas avait cette capacité forte à savoir naviguer entre plusieurs tonalités différentes, recréer un univers parfaitement caractérisé en prenant des libertés, sans renoncer à des valeurs universelles, qui nous parlent à tous, génération après génération, quel que soit l’univers dans lequel elles s’inscrivent : souffle épique, esprit d’aventure et sens du panache, sens du collectif digne d’une équipe de rugby, courage, honneur et loyauté, sens du sacrifice, solidarité, force de l’amitié et de l’amour, débrouillardise et détermination, etc.

Comme le dit la Compagnie, “Les héros de Dumas sont enflammés, joyeux, débrouillards, malicieux et généreux. Ils ont des qualités morales, et l’esprit chevaleresque. Ils ont l’enthousiasme, la fidélité à leurs idéaux et la sincérité de leur jeunesse pour les uns, la cruauté, le pragmatisme, et le désenchantement de leur expérience pour les autres. Mais tous, quel que soit leur camp, vont éprouver à leur manière la force du collectif.”

Et l’élitisme que certains aiment attribuer à la culture classique ne doit pas nous faire oublier qu’Alexandre Dumas avait une culture littéraire non-seulement moderne, pour son époque, mais aussi très populaire !

L’écriture de Dumas savait naviguer entre des tonalités différentes : au premier degré, Dumas savait donner un souffle épique et le sens de l’action et de l’aventure à son récit ; au second degré, par des codes subtils, et d’autres moins, il donnait à son récit un humour plein d’auto-dérision, qui ajoute de la légèreté à la gravité, à la bonne dose… Juste assez pour ajouter le panache à son récit.

Alors, quand la Compagnie La Douce prend un plaisir espiègle à transposer son histoire dans les années 80’, et à raconter l’histoire avec légèreté, n’est-elle pas justement dans la droite ligne de Dumas, qui savait donner à son récit suffisamment de gravité pour rendre son récit épique, et suffisamment de légèreté pour éviter qu’il ne devienne ni pédant ni ridicule ?

Cet humour est aussi rafraîchissant qu’il est intelligent, cette bonne humeur est communicative, et la connexion avec le public est forte ! C'est un bol d’énergie positive qui donne envie envie de se replonger dans le roman et d’en écrire son propre résumé épique, selon ce qui vous aura le plus marqué…

Ce spectacle, pour les enfants de 7 à 77 ans, vous donnera à rire et à réfléchir… Il donnera aux plus jeunes l’envie de mieux connaître ce roman merveilleux, qui donnait envie de devenir des héros positifs qui allaient sauver le monde… Tout en se posant des questions, pour ne pas perpétuer les erreurs du passé !

Quant aux adultes, il leur rappellera que leur âme d’enfant ne manque pas plus de noblesse que la remise en cause des paradigmes trop bien établis !

J’aimerais tellement vous en dire plus, sur ce spectacle enthousiaste, drôle et optimiste, mais je suis déjà fort bavard, et je ne veux pas vous en dévoiler davantage.

Aussi, il est temps de me taire, ou plutôt de crier bien fort : UN POUR TOUS, ET TOUS POUR UN !

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.

✨✨✨✨✨

L'Équipe Artistique :

Une comédie musicale adaptée de l'oeuvre d'Alexandre DUMAS

Création & Mise en scène collective par la Compagnie La Douce

Adaptation, Paroles & Interprétation : Floriane DURIN, Carl MICLET, Laurent SECCO, Marianne POMMIER

Composition musicale par Laurent PÉJU

Création Son par Rémi SELLES

Création Lumière par Sébastien DUMAS

Œil extérieur / à l'origine du projet : Gilles NAJEAN

✨✨✨✨✨
A l'attention des programmateurs, pour découvrir ce spectacle et l’amener dans votre ville et/ou lieu de spectacle, je vous invite à prendre contact avec : Carine - carine.steullet@gmail.com