“Jamais”, quand le théâtre nous montre l’art de rester un enfant quand le temps fait tic-tac

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler du conte de Peter Pan, d’enfant intérieur, du pays du Jamais-Jamais, d’imaginaire, et surtout d’un seul-en-scène clownesque, inventif, déjanté et burlesque qui vous impressionnera autant qu’il vous captivera. C’est ce que j’ai pu ressentir quand je me suis rendue au Festival OFF d’Avignon pour y découvrir “Jamais”, écrit et interprété par Matthieu Poulet, mis en scène par Hamideh Doustdar.

Peter Pan a 45 ans. Où est passée Wendy ? Serait-elle morte ? Il ne s’est pas vu vieillir, trop occupé à rester jeune et à s'amuser.
Pan, plus qu’un conte, un roman, une pièce de théâtre ou même un Disney, est un syndrome. Et si Peter Pan était un clown déchu, avec un esprit d’enfant dans un corps d’adulte ? Transformiste à ses heures perdues, il nous emmène dans un univers psychédélique et déjanté : le pays du Jamais, le lieu imaginaire de tous les possibles - à moins que ce ne soit qu’un paradis artificiel de plus. Ce sale gosse, attachant lorsqu’il avoue sa solitude, est rattrapé par le tic-tac, tic-tac… du temps qui passe.

Parfois, un spectacle vous attrape le cœur et ne le relâche qu’à la dernière seconde. C’est ce qui m’est arrivé devant “Jamais”, un solo de clown qui m'a impressionnée. Drôle, surprenant, touchant...un véritable moment suspendu au théâtre.

Le spectacle commence ainsi : un Peter Pan blafard de 45 ans, échoué dans une chambre poussiéreuse, se réveille dans un monde qu’il ne comprend pas, qu’il refuse, et qui lui échappe.

Peu à peu, il installe son clown en se barbouillant le visage, tout en nous expliquant qui il est, ce qu’il fait… Nous faisons alors la connaissance de Peter Pan, avec quelques années de plus, qui semble ne pas avoir vu passer sa vie. Quelque peu paniqué, il décide de s’enfuir au pays du Jamais, ce monde imaginaire où tous les rêves d’enfant sont possibles…

Qui défie les lois de la gravité est à JAMAIS rattrapé par la chute…

Spectacle "Jamais"

Matthieu Poulet s’amuse à incarner un Peter Pan trash, rêveur et extravagant, à mille lieues des images lissées de l’enfance. Ce Peter Pan-là ne veut pas grandir, et transforme sa réalité : il cherche l’aventure, le jeu, l’échappatoire (et embarque aisément le public dans son aventure). Mais voilà, on ne défie pas les lois de la gravité. À vouloir tuer le temps, c’est lui qui finit par vous rattraper.

Peter Pan, devenu grand malgré lui, fait face à un nouveau défi : la solitude, la peur du temps qui passe, la peur de la mort. Naît ainsi une sorte de conflit intérieur : devenir l’adulte aigri plein de désillusions ou choisir d’écouter son enfant intérieur turbulent ?

Et c’est là que “Jamais” devient plus qu’un spectacle ! On rit, on est touchés, on est même émus, car - comme une sorte de miroir, ce solo nous interroge : on peut se reconnaître, quelque part, dans ce clown perdu entre l’enfant espiègle et l'adulte devenu grave et sérieux.

Crédits Photos : Bénédicte Karyotis & Patrick Poulet

Création soutenue par la région des Hauts-de-France, le spectacle “Jamais” est une sorte de réécriture inspirée du conte “Peter Pan ou l’enfant triste” de Kathleen Kelley-Lainé. Ainsi, l’auteur et interprète a eu l’idée d’associer ce personnage de Pan qui ne veut pas grandir à la figure d’un clown.

En outre, l’histoire de Peter Pan a cette force de parler aux enfants et aux adultes, évoquant à la fois l’imaginaire et l'aventure ainsi que des thèmes plus profonds… on parle aussi du “Syndrome de Peter Pan”, ou l’envie de rester un enfant, la peur de vieillir, la solitude, la crainte de ne plus jamais rêver. Et dans “Jamais”, ce syndrome devient le cœur battant du spectacle, amenant à certains questionnements : Peut-on rester jeune sans fuir la réalité ? Peut-on vivre sans faire le deuil de son enfance ?

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[Petit aparté : d’ailleurs, se réconcilier avec son enfant intérieur, n’est-ce pas le propre du clown ? Ayant eu une petite expérience de clown, l’une des choses qui m’a frappée en apprenant à être clown, c’est de retrouver ce regard d’enfant comme si je découvrais le monde pour la première fois, comme si je portais un regard rempli de poésie, de jeu et d’imaginaire sur le monde… En cela, j’aime beaucoup l’idée de transformer Peter Pan en personnage clownesque]

Crédits Photos : Bénédicte Karyotis & Patrick Poulet

Dans ce seul-en-scène, Matthieu Poulet nous propose une performance de clown incroyable d’une grande précision et d’une sincérité désarmante, le tout dans une mise en scène millimétrée où chaque détail de jeu et de décor compte.

Ce comédien, dont le plan de carrière initial était dans le milieu financier, a bifurqué vers le milieu du théâtre pour, à travers le clown Pan (nourri en quelques sortes de sa propre histoire), incarner un personnage qu’il a pu être, à côté de ses pompes bien cirées.

Ce clown n'est pas une simple figure comique : c’est un être humain magnifique, transformiste, solitaire, attachant, qui incarne avec dextérité plusieurs personnages, tels que Pan, Clochette, Wendy, la psychanalyste, Crochet, ou même le crocodile TikTok… nous entraînant dans une véritable épopée (et cela sans bouger de la chambre d’enfant minimaliste qu’il a pour décor).

Et en parlant de décor, pour habiller ce jeu exceptionnel, le spectacle présente une scénographie mouvante et renversante où rien n’est figé ! J’ai particulièrement adoré ce décor modulable qui est en métamorphose constante. Il se transforme avec fluidité au fil du jeu du comédien. Comme si l’imaginaire reprenait ses droits, comme si la scène refusait elle-même de devenir adulte. Chaque élément de décor se transforme et glisse au gré des scènes.

C’est, à mon sens, une vraie prouesse technique, au service d’une poésie et d’une esthétique visuelles discrètes et puissantes. Chaque élément scénographique a une importance symbolique, une densité émotionnelle qui vient appuyer le texte et le jeu sans jamais les écraser.

[Avec l'image de la chambre d’enfant pour décor, j’ai aussi pensé à un parallèle avec l’imaginaire d’un enfant qui se construit un monde et se raconte une histoire dans sa chambre.]

Crédits Photos : Bénédicte Karyotis & Patrick Poulet

Un spectacle à ne pas manquer, assurément !

“Jamais”, c’est une proposition artistique drôle, émouvante, et d’une grande richesse aussi bien dans le texte, le jeu et la mise en scène. Un spectacle qui vous emmènera au pays du “Jamais Jamais” (Neverland), pays des rêves, de l’imaginaire, de l’aventure… le pays où on reste un enfant toute sa vie.

C’est un spectacle pour les adultes qui n’ont pas tout à fait renoncé, et pour les enfants qu’ils ont été. Un ovni théâtral et poétique, une claque tendre, une déclaration d’amour à l'enfant intérieur qu'on croyait avoir perdu (mais qui vit encore quelque part, tapi sous les chutes).

“Jamais” m’a également rappelé l’un de mes films préférés, “Hook” - avec un autre clown d’ailleurs, Robin Williams incarnant Peter Pan : dans ce film, Peter Pan y est devenu un adulte sérieux, qui doit retrouver son âme d’enfant pour sauver ses propres enfants du Capitaine Crochet.

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“Peter Pan, 45 ans, gueule de bois” …voilà comment le comédien, Matthieu Poulet, nous attire à son spectacle. Et je peux vous dire que ce solo clownesque vaut son pesant d’or ! C’est une pépite… c’est un bijou… que dis-je ? ...C’est un véritable coup de cœur !

En bref…Courez-y. Et si vous y allez, allez-y avec votre cœur d’enfant.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.

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L'Équipe Artistique :

Spectacle proposé par la Compagnie l’Heure Avant l’Aube

D’après l'oeuvre "Peter Pan ou l’enfant triste" de Kathleen Kelley-Lainé

Conception & Interprétation par Matthieu Poulet

Co-mise en scène et co-écriture par Hamideh Doustdar

Costumes par Patrick Cavalié

Scénographie par Vincent Lefèvre

Création son par Simon Denis

Création lumières par François Décobert

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A l'attention des programmateurs, pour découvrir ce spectacle et l’amener dans votre ville et/ou lieu de spectacle, je vous invite à prendre contact avec : Marion de Courville (Derviche Diffusion) - marion.decourville@dervichediffusion.com