“Le Bourgeois Gentilhomme”, quand le théâtre séduit les amateurs d’audace et d’idées déjantées avec du théâtre classique

Chers Théâtreux,

Dans cette nouvelle lettre, je vais vous parler d’un texte culte de Molière, de théâtre classique revisité, de critique intelligente de la noblesse et de la bourgeoisie, et surtout d’une pièce colorée, pleine d’audace, d’humour, de talents, qui nous fait passer un moment mémorable au théâtre, que l’on prolongerait bien encore un peu. C’est ce que j’ai pu ressentir quand je me suis rendu au Théâtre Le Lucernaire, pour y découvrir le texte “Le Bourgeois Gentilhomme” de Molière, adapté et mis en scène de manière déjantée par Bastien Ossart et la Compagnie Théâtre les Pieds Nus.

Réveillez Molière et Lully, ils vont adorer ! C’est une version décalée d’un Bourgeois Gentilhomme repensé comme un théâtre total, tel qu’il fût créé, où se mêlent chants, danses et jeu d’acteurs.
Des costumes plus colorés les uns que les autres, des maquillages chamarrés, un ensemble mixant le monde circassien, la comédie musicale et le théâtre baroque… Conçu comme une partition musicale, le spectacle ne nous laisse pas une seconde de répit ! Attention, spectacle réservé aux amateurs d’audace ! Si vous êtes allergique aux idées déjantées, restez à la maison. Les esprits trop carrés risquent de se perdre dans nos virages. Mais si vous aimez l’humour qui sort des clous, foncez : on n’a pas de freins. Coloré, décalé, ce spectacle est aussi fou que Jourdain.

Dans les mondes de la culture, il y a parfois cette éternelle discussion du choix entre rendre honneur aux grands classiques, et se souvenir de ce qu’ils nous ont apporté ; et d’un autre côté, du passé, faire table rase, et faire place nette pour la jeune génération, qui fera encore mieux que les anciennes avec de nouvelles idées.

Et puis il y a ceux qui décident de ne pas choisir, comme la Compagnie Théâtre Les Pieds Nus, et décident d’adapter un immense classique intemporel de la façon la plus moderne qui soit, de veiller à un subtil équilibre entre fidélité à l’esprit de ce grand classique et hommage renouvelé par des codes modernes et déjantés, et de voir ce que ça donne… (Spoiler Alert : ça marche du tonnerre !)

Si vous n’avez pas eu la chance de lire au moins des extraits de la pièce “Le Bourgeois Gentilhomme”, allez-y, ça n’a pas vieilli d’un poil en quelques siècles… L’histoire de Monsieur Jourdain pourrait se passer aujourd’hui, et je crois que nous avons tous connu un “Monsieur Jourdain”.

Monsieur Jourdain, qui a réussi matériellement veut absolument accéder à la caste dite supérieure, l’aristocratie, les fameux gentilshommes… non-pas par goût pour les valeurs de la chevalerie ou de la noblesse, ou mieux, par volonté de s’améliorer soi-même, mais par la vanité la plus pure et la plus arriviste. (Classique, hélas…)

Pour ce faire, il est prêt non seulement à se travestir et à mentir sur ses origines, pourtant des plus honorables, mais même à perdre le bon sens le plus total et à se rendre ridicule, dans son apprentissage des codes de ce milieu. (Classique, hélas…)

Concrètement, il ne se contente pas de se mettre entre les mains des « professeurs » les plus cupides qui soient, qui feront semblant de l’aider à apprendre les codes nombreux et complexes de cette caste, alors qu’ils ne font que lui faire imiter grossièrement des parodies de ces usages pour mieux alléger sa bourse ; mais pire encore : au lieu de se servir de ce savoir nouveau pour éclairer ses proches et le mettre au service des autres, ce qui est théoriquement l’idéal noble (« Noblesse oblige ! », comme le dit la devise des gentilshommes), il s’en sert pour écraser les autres, faisant preuve de la mesquinerie la plus totale...

Quant aux « gentilshommes » dont il se sert comme modèles et comme relais, eux-mêmes se servent de lui avec le cynisme le plus total, et font preuve des défauts les plus effroyables : cynisme, vanité, hypocrisie, manipulation, cupidité et volonté d’accaparer le plus possible, bêtise crasse sous des manières élégantes…

Tout ceci devrait faire pleurer, mais Molière réussit l’exploit de nous faire rire aux larmes, tout en croquant ses contemporains avec une justesse incroyable !

Et Bastien Ossart, en adaptant cette œuvre intemporelle, réussit à donner une petite touche de modernité à ce texte incroyable, mais en respectant toujours ce subtil équilibre entre l’esprit de l’oeuvre originale, et la modernité décontractée du langage de notre époque, qui nous plonge encore plus dans ce monde que nous nous approprions naturellement… (Ce faisant, n’est-il pas justement fidèle à la méthode de Molière ? Vous avez 3h…)

Mais s’il n’y avait que le texte… Dès le début, “Le Bourgeois Gentilhomme”, c’était une « comédie-ballet », un spectacle complet qui réunit théâtre, danse, musique de Lully (dont la fameuse « Marche des Turcs »), en faisant une véritable comédie musicale. Et sur ce terrain, la pièce réussit non seulement à perpétuer cet esprit baroque passionné, mais aussi à renouveler les mélodies et les textes !

La danse permet d’ajouter une touche de chorégraphie tournoyante au jeu des acteurs, tandis que les passages chantés y donnent un rythme inimitable… A aucun moment elles n’effacent le texte ni ne s’effacent derrière le texte. Tout se complète merveilleusement bien. Aussi, la danse et la musique ne se contentent pas de se mettre au service du texte : elles le subliment, et donnent à l’ensemble de la pièce une musicalité endiablée et grave à la fois.

Mais surtout, ce qui caractérise la pièce, c’est ce côté déjanté… Maquillages chamarrés et costumes colorés jusqu’aux excès les plus délicieusement osés, dosés là encore avec un subtil équilibre : tout ceci marche d’une façon étonnante, et donne une force exceptionnelle à ce récit philosophique maquillé derrière un humour ravageur… Ces costumes et maquillages sont magnifiques et ils complètent surtout tellement bien cette mise en scène audacieuse !

Et si vous ajoutez à l’équation des comédiens exceptionnels, d’un talent immense pour tous les arts que comportent cette pièce, et qui lui donnent vie avec une énergie incroyable et communicative, alors que dire d’autre que « Encore ! Encore ! Encoooooore ! et Merciiiiiiiiiii ! ».

Il y a une beauté excentrique, disons le encore, exceptionnelle, dans ce récit inventif et élégant, fou et passionné. Mais surtout, je suis convaincu que si Molière avait la chance de voir ce que Bastien Ossart s’est amusé à faire avec son œuvre, il serait heureux de voir que son esprit imaginatif et original ne s’est pas plus perdu dans la vénération des grands classiques qu’il n’a oublié de les réinventer, et qu’il dirait « vous m’avez bien compris. »

Alors, Merci à Molière, Merci à Lully, Merci à la Compagnie Théâtre Les Pieds Nus !

Si ces quelques lignes vous ont donné envie de courir réserver votre place, n’hésitez-pas à suivre l’actualité de la Compagnie Théâtre Les Pieds Nus pour vous tenir informés de leurs prochaines dates et spectacles.

Sur ce, je vous dis à très vite, et au plaisir de se croiser dans une salle de spectacles, dans la vraie vie, ou bien ici-même, pour un nouveau récit d'aventure théâtrale.

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L'Équipe Artistique :

D'après l'oeuvre de Molière

Adaptation & Mise en scène par Bastien Ossart

Interprètes :

Bastien Ossart,

Nicolas Quelquejay,

Benoît Martinez,

Iana Serena de Freitas ou Joyce Franrenet,

Liwen Liang-Gelas ou Lauren Chekman,

Mathilde Guêtré-Rguieg ou Marine Lansman

Lumières par Florian Derval

Costumes par la Compagnie Théâtre Les Pieds Nus

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A l'attention des programmateurs, pour découvrir ce spectacle et l’amener dans votre ville et/ou lieu de spectacle, je vous invite à prendre contact avec : Vanessa Manche - vanessa@matrioshka.fr

Crédits Photos : Tommaso Morello